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Le portrait du mois : Catherine Zwingelstein, tête de pont de l'Alsace à New York.

31 mai 2010

Chercheuse dans un des laboratoires de recherche de la société pharmaceutique bâloise Roche, Catherine Zwingelstein vit et travaille à New York depuis 13 ans. Elle préside depuis 2007, l'Union des Alsaciens de New York, et vient d'être réélue pour un second mandat.

Portrait réalisé par Françoise Elkouby

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Catherine Zwingelstein aux manettes de l'Union Alsacienne de New YorkDu bac au niveau PhD, un parcours atypique
Née à Mulhouse, elle a grandi à Richwiller, petite bourgade située entre le bassin potassique et la grande ville. « J'ai gardé un très bon souvenir de mon enfance dans ce village où j'ai fréquenté l'école primaire et ai pratiqué le basket-ball. » La science, et tout particulièrement la biologie, l'ont passionné très jeune. Elle s'en étonne aujourd'hui. « Je n'ai pas hésité, je désirais vraiment y consacrer ma vie professionnelle. »
Aussi, elle choisit de présenter un baccalauréat en biochimie au lycée Louis Armand de Mulhouse. « L'été, je travaillais comme bénévole au sein du laboratoire d'analyses médicales de l'hôpital de Pfastatt ce qui m'offrait l'occasion de me confronter au métier.
J'en ai conclu que je ne choisirai pas cette spécialité car le travail répétitif ne me convenait pas. »
Les laboratoires des grands groupes pharmaceutiques suisses recrutaient à Bâle pour leurs laboratoires. En 1985, avant même de passer son bac, elle envoie une lettre de candidature libre à Hoffmann La Roche. Et à son grand étonnement, elle est convoquée à Bâle par un chef de labo. « Je me souviens d'un homme d'une grande gentillesse, qui m'a interviewée en allemand et m'a proposé un poste d'assistante dans son laboratoire. Mais, ce qui est surprenant : je n'avais pas ni CV, ni diplôme. Quelques semaines plus tard, après avoir réussi les épreuves du bac, Roche me recontacte pour me confirmer une embauche immédiate. »

« Dans la vie, il y a des moments clé où on a juste de la chance »
« J'étais alors à la croisée des chemins: celui d'un parcours classique d'études universitaires en biologie à Strasbourg, ou celui d'accéder directement à la vie professionnelle et accepter la proposition d'Hoffmann La Roche. Aujourd'hui, avec le recul, j'estime que j'ai eu une très grande chance de pouvoir débuter avec tout juste un bac dans un labo d'une entreprise pharmaceutique mondiale et de m'y former sur le tas. J'avais quelque peu provoqué le destin et la chance m'a souri. »
Elle intégre, comme assistante, une équipe de chercheurs d'un laboratoire spécialisée dans la recherche sur le récepteur de la sérotonine, en vue d'élaborer un médicament concurrent au Prozac. « J'ai bénéficié d'un excellent apprentissage auprès de l'équipe de recherche. Ils étaient passionnés et il régnait au labo un esprit de compétition; nous étions en concurrence avec un laboratoire japonais. Les méthodes de travail étaient fortement inspirées de la perfection à la suisse. J'ai d'ailleurs conservé cette façon de faire très ordonnée, ce qui fait sourire mes collègues américains.

Et comment avez-vous pu devenir chercheuse aux Etats-Unis ? J'avais connu une
chercheuse américaine qui travaillait dans un autre laboratoire Roche à Bâle et qui désirait retourner aux USA. Elle avait appris que Roche envisageait de développer de nouvelles molécules contre l'obésité dans son centre de recherche de Nutley, à côté de New York. Un Suisse était chargé du recrutement pour les Etats-Unis. Cette personne m'a proposé de venir travailler avec elle aux E U dans le labo Roche du New Jersey. C'était en 1997, j'ai dû passer des entretiens et ai pu obtenir les papiers nécessaires pour y travailler.

Catherine Zwingelstein, chercheuse de pointe (Photo courtesy of Roche)

Comment avez vous vécu ce changement de vie ? Avec le recul, je me dis que je n'étais pas assez préparée pour m'exprimer dans certaines circonstances de la vie quotidienne. Je suivais, certes, des cours d'anglais chez Roche à Bâle et j'avais déjà une bonne connaissance de la langue. Mais, il me manquait du vocabulaire et une connaissance de la société et du mode de vie. J'ai suivi des cours et ai surtout appris les us et coutumes américaines car je voulais m'intégrer aussi bien que possible.

Comment s'est déroulé votre vie professionnelle chez Roche US ? J'ai eu la chance de pouvoir travailler durant des années dans le même laboratoire. Notre objectif était de trouver une molécule qui agisse sur la satiété. L'obésité n'étant pas reconnue comme maladie aux Etats-Unis et les médicaments étant très onéreux, alors que ce « fléau » touche des couches sociales peu favorisées, cela était problématique car ces médicaments ne sont pas remboursés. D'ailleurs, le médicament Ally qui a été lancé récemment sur le marché en Europe, est le résultat des recherches de Roche.
J'ai ensuite changé de projet et travaille sur le syndrome du métabolisme. Les recherches sont longues et laborieuses pour obtenir un résultat, c'est à dire un médicament qui a obtenu l'autorisation de mise sur le marché, après de longs essais cliniques. A présent je travaille sur le diabète et le rôle des peptides secrétés dans l’intestin par les malades. Les besoins sont importants car cette maladie touche de plus en plus de gens de part le monde.

Comment avez-vous progressé au sein de la société Roche ? A Bâle, Roche choisissait chaque année 26 personnes, auxquelles la société proposait un cursus en interne. J'ai pu par bonheur en bénéficier. Aussi, je travaillais en alternance 3 jours par semaine au laboratoire et le reste en cours pendant 6 mois. J'ai suivi tout un parcours de formation interne. La société Roche m'a fait confiance et je lui en suis très reconnaissante. Mes supérieurs hiérarchiques m'ont encouragée vivement lors des évaluations annuelles pour progresser dans mon parcours.
Récemment, j'ai eu une nouvelle promotion ; je travaille à présent au même niveau qu'une personne ayant un Ph.D., le doctorat américain. J'ai encore une fois eu beaucoup de chance d'avoir pu y accéder. J'ai suivi un plan de progression durant les 5 dernières années et ai été fortement soutenue par mon équipe. Je suis fière et honorée d'avoir atteint ce niveau.
Et à présent, il me faut présenter un nouveau projet pour l'année à venir, faire preuve
d'innovation et d'ambition pour progresser à titre personnel et au titre de l'entreprise. J'ai atteint un stade où il me faut diriger une équipe et prendre en main de nouveaux projets. Mais j'ai effectué tout ce parcours avec beaucoup de passion pour mon métier de chercheur. Bravo pour ce parcours exceptionnel !

Vous présidez l'Union Alsacienne de New York depuis 3 ans et avez été réélue ce printemps pour un nouveau mandat. Aviez vous adhéré à l'association dès votre installation aux States ? Lorsque je me suis installée à New York, je désirais surtout m'intégrer : fréquenter des américains et vivre à l'américaine. Contrairement à d'autres amis, mutés par leur société française dans une succursale à New York, qui restaient entre francophones, j'étais la seule française dans mon milieu professionnel, donc totalement immergée et j'appréciais ce mode de vie.
C'est en 2006, à l'occasion d'une fête des rues, que j'ai fait la connaissance, par un heureux hasard, de personnes de l'association sur le stand de l'Union alsacienne. Nous avons sympathisé. C'est ainsi que je suis entrée à l'association. J'ai aussitôt proposé de collaborer à la réalisation du bulletin trimestriel.
En 2007, lors des élections du bureau de l'Union, le poste de secrétaire était vacant; il m'a été proposé et j'ai accepté très volontiers ce nouveau challenge. J'ai été élue. Mais, au bout d'un mois, la personne élue à la présidence, qui travaille à l'ONU, a dû démissionner de son poste pour des raisons professionnelles et je me suis retrouvée à la tête de l'Union. J'aurais sans doute préféré pour débuter être vice-présidente et bénéficier des conseils d'un mentor pendant 2 ans. J'ai assumé la situation. Cela m'a pris une année de mettre en place les bases de travail et une équipe opérationnelle. A présent, j'ai pu établir les contacts nécessaires en Alsace et à New York. Tous les lundis soirs, je travaille pour l'association. Nos statuts prévoient une réunion mensuelle des membres et deux dîners, l'un au printemps et l'autre en fin d'année, une belle fête de Noël.

 

Qu'est ce que L'Union Alsacienne de New York ?
Créée en 1871, l'Union Alsacienne de New York est une organisation dynamique
rassemblant les Alsaciens qui vivent et résident sur la côte Est ainsi que les Américains d'origine alsacienne, qui ont souhaité préserver, entretenir leurs liens avec l'Alsace et promouvoir la région.
Depuis bientôt 140 ans, l'Union Alsacienne a joué un rôle important dans la vie des
Alsaciens qui arrivent aux Etats-Unis, leur offrant un sens de la solidarité de la
communauté, un contact avec des gens qui partageaient les mêmes origines.
Plus récemment une nouvelle génération d'Américano-Alsaciens a permis d'élargir le cercle des membres. Ils ne sont plus seulement des immigrants ou des Américains d'origine alsacienne. L'Union s'est aussi ouverte aux conjoints, enfants et petits enfants, qui ont tous l'Alsace au fond du coeur, souhaitant préserver la culture et les traditions alsaciennes par le biais de l'Union Alsacienne.

 

Quelle est votre marque personnelle en tant que tête de pont de l'Union Alsacienne ? Durant ma première année de présidence, j'ai désiré développer la convivialité, notamment à l'occasion du repas Noël. J'avais remarqué que l'information passait bien entre les membres, mais que les jeunes y étaient très peu nombreux. Aussi j'ai souhaité diversifier le programme, afin de les inciter à rejoindre le groupe des anciens. Je pense avoir pu développer une ambiance où chacun se sente bien. Les rencontres sont sans doute un peu moins guindées mais plus gemu?tlich. Il faut adapter l'événement à tous, faire venir les jeunes enfants à la fête de Noël et bien impliquer les membres pour qu'ils participent à la vie de l'Union. Cette ambiance un peu plus familiale est très appréciée des membres.
J'ai souhaité aussi organiser des événements créant des liens entre les Alsaciens et l'Union. Ainsi, nous avons organisé une rencontre en 2007 avec les Alsaciens participants au Marathon de New York.
Cette année 2010 en avril dernier, nous avons organisé une visite en Alsace d'une délégation de 14 pompiers de la Casa Grande du Bronx. Ce fut une expérience formidable qui a permis des échanges très chaleureux entre les pompiers américains et alsaciens et leur a offert l'occasion de découvrir les charmes de notre région. L'Union devient peu à peu aussi la tête de pont entre l'Alsace et New York. C'est cela ma vision, le fil conducteur de mon action au sein de l'Union.
J'ajouterais la perspective d'un grand événement programmé en 2011 à l'occasion du 140ème anniversaire de l'Union que nous préparons, mais dont je ne peux encore révéler le programme. Il sera communiqué aux Ambassadeurs d'Alsace dès qu'il sera confirmé. Le moment fort est prévu en février.

La délegation des pompiers professionnels de Casa Grande NY reçue au Musée du Chemin de Fer à Mulhouse, entourés des marathoniens du club D'Runner

Comment envisagez-vous les liens avec le Club des Ambassadeurs d'Alsace ? La création du Club des Ambassadeurs d'Alsace est une formidable initiative de Vincent Froehlicher, Monique Jung de l'ADIRA et de Bernard Kuentz de la Maison de l'Alsace que je félicite très chaleureusement. Je pense que des relations étroites avec le Club pourront inciter l'Union à développer les échanges économiques entre les entreprises alsaciennes et américaines, à ouvrir des portes, et créer de nouvelles activités que ce soit en Alsace ou à New York et dans ses environs. Nous avons la même vision, nous allons bien travailler ensemble et cette collaboration portera ses fruits. Les échanges seront aussi facilités par des liens entre les sites internet, les réseaux sociaux et des manifestations à caractère économique que nous pourrons développer ensemble.

Et s'il vous reste du temps libre, quelles sont vos hobbies ? Le yoga et la méditation, que je pratique régulièrement, sont très importants pour moi, car cela me permet de m'extraire du matérialisme ambiant et du stress. Par ailleurs, j'adore l'opéra et assiste régulièrement à des spectacles du Metropolitan Opera au Lincoln Center à New York.

Vente de tarte flambees avec le Chef Olivier Muller du Bistro Modern (NY) à St Louis, Missouri en 2009 sur le stand de l'Union

Quelle est votre vision de l'Alsace, ses points forts ? Notre région est véritablement européenne. C'est ce qui constitue sa spécificité, son atout principal. Lorsqu'on réside à Mulhouse en France, que l'on travaille à Bâle en Suisse, et que l'on fait son shopping en Allemagne, c'est un atout considérable. Nous circulons sans problème d'un pays à l'autre et nous pouvons facilement nous comprendre car nous parlons la langue du voisin.

Et ses valeurs fortes ? L'engagement de chacun, son souci d'obtenir un travail de qualité sont des valeurs largement reconnues. J'ajouterais aussi la nature des relations humaines est bien appréciée. Je m'explique : Si les Alsaciens sont considérés comme froids et distants au premier abord, on les trouve fort chaleureux et fidèles en amitié une fois que vous avez été adopté.
Vous faites partie de la famile.

Quant aux faiblesses de l'Alsace ? C'est son ambivalence. Sa difficulté à trouver sa véritable place. Elle veut bien marquer sa différence des autres régions mais être à la fois bien intégrée, entrée dans le moule. C'est tout le paradoxe alsacien qu'incarne bien le fameux Hans im Schnokeloch.

Portrait chinois : Si l'Alsace était...
· Un objet : le kougloff
· Un animal : la cigogne
· Un moment : la période de la Saint Nicolas à Noël
· Une personne : Hansi le fameux illustrateur, pour son combat, son humour, son côté rebelle (son livre a d'ailleurs été traduit et édité aux Etats-Unis)
· Un lieu : le Haut-Rhin
· Une musique : celle du compositeur Massenet
· Une oeuvre d'art : le tableau « L'Alsacienne » de Jean-Jacques Henner
· Une couleur : la couleur bleue des anciennes maisons alsaciennes

Téléchargez le portrait de Catherine Zwingelstein.

Le 1er juillet 2010 : découvrez le portrait de George Perrin, à la barre de GreenIvory de Haguenau à San Francisco.

Lire les portraits réalisés par Françoise Elkouby :

 

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