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Portrait du jour : Serge Israel, Thaïlande

29 juillet 2012

Serge Israel, "Thaïlsacien" en Thaïlande, répond à 10 questions à l'occasion de nos 4 ans !

 

 

 

serge israel

 

1) Serge, vous êtes membre du Club des Ambassadeurs d'Alsace. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de votre engagement ?

 

 

 

 

Je reste profondément ancré à mes racines alsaciennes et j'ai le sentiment que le fait de vivre à l'étranger renforce encore plus cet attachement. J'ai été très honoré d'être sollicité pour faire partie du Club des Ambassadeurs d'Alsace, mais pas vraiment surpris puisqu'il est vrai je ne manque jamais une occasion de rappeler mes origines au cours de mes conversations, autant dans le monde « réel » que sur les réseaux sociaux. J'ai en outre pris l'habitude de me présenter comme un Européen originaire d'Alsace et même si le passeport français reste - pour l'instant - une incontournable contrainte administrative, cette entrée en matière constitue généralement un excellent prétexte pour aller plus loin dans la présentation de cette mystérieuse région d'où sont originaires l'inventeur de l'imprimerie et le Picon-bière.

 

 

 

 

2) Quels sont vos « outils » pour vendre l'Alsace ?

 

 

 

 

Je dispose ici d'un atout extrêmement convaincant en la personne de mon épouse Thaïlandaise ! Celle-ci a en effet vécu durant 5 ans en Alsace et, après avoir visité une bonne partie des deux pays qui entourent notre fabuleuse région, c'est aux sources de la Carola et aux créateurs du Kougelopf qu'elle a définitivement accordé sa préférence !

Et pour ceux qui manifesteraient encore quelques hésitations, je leur fais goûter la salade Thaïlsacienne (voir plus loin).

 

 

3) Vous vous désignez comme étant "Thaïlsacien". Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

 

 

 

 

Nous sommes une famille dite mixte où nous nous efforçons d'entretenir le biculturalisme. Nos deux filles sont nées en Alsace et j'essaie de faire en sorte qu'elles se sentent autant Thaïlandaises que Françaises ou, plus précisément, autant Alsaciennes que Nakhon-Pathomiennes*.

Le néologisme Thaïlsacien exprime à la fois ce mélange des origines et la volonté d'intégration d'un migrant dans son pays d'accueil sans pour autant perdre ses spécificités culturelles (vaste débat !). Inutile, en effet, de vouloir paraître « plus Thaï que les Thaïs », non seulement l'occidental qui oserait s'aventurer sur cette corde raide échouerait lamentablement, mais sa démarche resterait un mystère total pour les Thaïlandais qui restent très attachés à leurs propres traditions, même lorsqu'ils vivent dans un autre pays (vous imaginez aller manger un Flammekueche chez un chinois dans le Kochersberg ?).

J'ai donc dès le départ adopté l'attitude qui me semble être la plus appropriée pour quiconque souhaite réussir son intégration dans une contrée où les mœurs peuvent parfois sembler aux antipodes de ce qu'il/elle a connu jusqu'à présent, à savoir embrasser les us et coutumes de mon pays d'accueil tout en restant, moi aussi, très attaché à mes propres traditions et valeurs culturelles que je m'efforce de faire connaître autour de moi. Une démarche qui semble globalement très appréciée, comme en témoignent les réactions de ceux qui ont goûté à la salade Thaïlsacienne (voir encore plus loin).

* Nakhon Pathom est une province de Thaïlande à l'histoire très riche - c'est ici qu'a été introduit le Bouddhisme en Thaïlande - et dont la gastronomie s'est construite autour d'un animal familier à tout alsacien qui se respecte : le cochon. C'est à Nakhon Pathom que l'on trouve les meilleurs Waedele de Thaïlande !!

 

 

4) Quel a été votre parcours ?

 

 

Strasbourg < Schweighouse s/moder < Eckbolsheim < Mommenheim < Hohfrankenheim < Nakhon Pathom < Nonthaburi < Bangkok < Chiang Mai.

 

 

5) Pour vous, quel serait le symbole de l'Alsace en Thailande ?

La première difficulté consiste à expliquer ce qu'est l'Alsace. À titre comparatif, je ne sais pas si beaucoup d'européens sauraient situer Ubon Ratchathani ou Buriram sur une carte ou pourraient mentionner quelques-unes des différences subtiles qui existent entre la région Issan et le pays Lanna. Vous l'aurez compris, l'Alsace en tant que telle est très peu connue ici, mais j'y travaille !

En fait, il m'arrive souvent de faire une analogie entre l'Alsace telle qu'elle est perçue par les français de l'intérieur et la région Issan telle qu'elle est perçue par les Thaïlandais du centre.

Les habitants de la région Issan ont pendant longtemps été dénigrés (et le sont malheureusement encore) par les Thaïlandais du centre en raison de leur peau plus sombre et aussi de leur fort accent (un peu comme chez nous en Halsasse !!). J'ai donc pris l'habitude de parler de l'Alsace comme de l'Issan français, ce qui est aussi vrai sur le plan géographique puisque située au Nord-Est.

Mais il existe un autre symbole, gastronomique celui-là et qui est à la portée de tous : la fameuse salade Thaïlsacienne (oui, vous l'aurez deviné : voir plus loin !)

 

6) Qu’est-ce qui vous plait le plus en Alsace ?

Un certain art de vivre, de bien vivre, et aussi le travail qui est fait sérieusement mais sans pour autant se prendre au sérieux.

Sans oublier le Vendredi Saint et la St Étienne.

 

7) Qu'est-ce qui vous manque le plus quand vous quittez l'Alsace pour la Thailande ?

Les longs hivers gris et pluvieux ?? Nooooon, je plaisante !

En fait, ce sont les asperges, les vraies, celles de Hoerth ou de la Route des Asperges d'Alsace (je suppose que tout le monde connaît la Route des Asperges d'Alsace).

 

8) S'il n'était possible d'utiliser qu'un seul argument, lequel choisiriez-vous pour inciter l'un de vos contacts à venir en Alsace (pour visiter, étudier, travailler ou vivre) ?

Strasbourg, ville universitaire et capitale européenne, polyglotte et pluriculturelle.

 

9) Si l’Alsace était…

  • Un moment ? Un long moment : les 44 premières années de ma vie. Depuis que je vis à l'étranger, le moment des vacances (parfois)
  • Une histoire ? Ce qui me vient immédiatement à l'esprit, ce sont les célébrations du bimillénaire de Strasbourg en 1988 : 2000 ans d'histoire pour l'Alsace. Mais une histoire, c'est aussi celle d'une région ballotée entre ses deux turbulents voisins, la France et l'Allemagne, qui se sont pendant longtemps disputé sa souveraineté mais sans jamais vraiment réussir à asservir ses habitants ni à gommer ses particularités culturelles. Il y a aussi les histoires non historiques, les contes et légendes racontés par ma grand'mère, les sorcières du Batsberg, les bébés apportés par les cigognes, le bretzel...
  • Un cadeau ? Une bouteille de Crémant d'Alsace avec une boîte de Bredele (à déguster après une bonne salade Thaïlsacienne !!)
  • Un sens ? Le goût - l'inimitable saveur de la choucroute nouvelle autour d'une table de cochonnailles en automne, suivie de la savoureuse acidité du Quetsch'lkoesche dont le jus dreullt le long des doigts
  • Une personne ? Celui auquel je pense immédiatement est le célèbre cabaretiste Germain Muller qui, à mon sens, illustre parfaitement ce culte de l'autodérision et l'état d'esprit « alsacien » que j'apprécie particulièrement

 

10) Un mot pour la faim ?

 

Juste récompense après que vous ayez perdu un temps précieux à lire ce qui aurait du originellement se limiter à quelques lignes, voici donc la recette de l'innovante, la savoureuse, Salade Thaïlsacienne :

Ingrédients :

  • 1 papaye verte (se trouve chez les épiciers asiatiques), à défaut vous pouvez aussi utiliser des pommes vertes genre Granny Smith
  • 100 g de carottes râpées
  • 6 tomates cerise
  • 2 cuillers à soupe de nam plaa (ou nok mam - se trouve chez les épiciers asiatiques)
  • 2 cuillers à soupe de jus de citron vert frais
  • 1 cuiller à soupe de sucre de palme
  • 1 poignée de cacahuètes grillées non salées
  • 2 gousses d'ail
  • Quelques feuilles de laitue
  • Entre 1 et 10 piments rouges et verts (suivant les goûts et la résistance des papilles !)
  • 1 munster, de préférence bien mou, voire légèrement coulant

Préparation :

  • Couper la papaye en deux dans le sens de la longueur, puis enlever le bout. Poser chaque moitié de la papaye verticalement sur une planche et faire sauter la peau en suivant le bord du fruit avec un couteau. Couper en deux chaque morceau dans le sens de la largeur et enlever les pépins à l'aide d'une petite cuillère. Rincer abondamment à l'eau claire pour débarrasser le fruit de son acidité, puis l'essuyer soigneusement.
  • Râper la papaye et la réserver dans un saladier avec les carottes.
  • Piler au mortier les piments et l'ail jusqu'à obtenir une consistance pâteuse.
  • Ajouter cette pâte à la papaye et aux carottes râpées.
  • Assaisonner avec le sucre, le nok mam et le jus de citron vert frais.
  • Couper les tomates en deux et les incorporer avec précaution en tournant la salade après avoir ajouté les cacahuètes.
  • Couper des petits dés de munster et les incorporer généreusement en tournant délicatement pour bien mélanger.
  • Disposer les feuilles de laitue sur un plat et présenter ainsi cet étonnant mélange.

Il s'agit ici d'un mélange gastronomique de deux plats symboliques des deux régions Nord-Est, à savoir le munster et le Somtam.

À l'origine, le Somtam est parfois mélangé avec un ingrédient dont l'odeur tient à la fois de la fosse à purin et de la paire de chaussettes oubliée au fond d'un sac après une journée de ski au Schnepfenried : le Pla-Laa, une espèce de poisson qui se mange pourri.

N'ayant jamais réussi à en avaler la moindre bouchée, mais trouvant la composition des goûts (acide/sucré/pimenté/chaussette) particulièrement intéressante, j'ai découvert en notre inimitable fromage régional un intéressant substitut qui présente en plus l'avantage de l'interculturalité symbolisée par le concept Thaïlsacien.

Autre avantage non négligeable : le munster crémeux contribue à éteindre l'incendie qui se déclare sur les fragiles palais n'ayant encore jamais été en contact avec le piment.

Bon appétit !

 

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Merci, Serge, d'avoir accepté de répondre à nos questions et livré votre fameuse recette !

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