Vous êtes ici

On reparle de l'Alsacien

28 juillet 2008

En Alsace, les défenseurs du bilinguisme se réjouissent du vote de l'Assemblée qui permettra la reconnaissance de l'alsacien dans la Constitution, mais ils veulent aller plus loin pour sauver la langue régionale et améliorer son enseignement.

Dans cette région où 600 000 locuteurs déclarés étaient recensés en 1999, le rétablissement -dans la nuit de mercredi à jeudi- par l'Assemblée nationale de la reconnaissance des langues régionales dans la Constitution, supprimé le18 juin par le Sénat, est salué vendredi comme "la victoire des langues régionales" par le quotidien régional Les Dernières Nouvelles d'Alsace.

Ambassadeur d'AlsaceCette reconnaissance, qui prévoit que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France", apparaît désormais à l'article 75, et non plus dès l'article 1er de la Constitution, comme l'avait décidé en première lecture à l'Assemblée. Paul Higi, conseiller du président de région Adrien Zeller en charge des questions linguistiques, s'interroge néanmoins sur la suite.

Il souhaite que cette reconnaissance ne soit pas "une fin en soi", mais qu'elle permette de ratifier la charte européenne des langues minoritaires du Conseil de l'Europe adoptée en 1992.

Ce texte propose un grand nombre d'actions que les États signataires peuvent entreprendre pour protéger et favoriser les langues régionales et de minorités. "L'idéal serait d'arriver à un développement substantiel (de la langue régionale)", estime M. Higi qui souhaite par exemple que l'alsacien trouve plus de place dans la signalétique de l'espace public et dans l'audiovisuel public.

Car en Alsace, année après année, le nombre de locuteurs germanophones (dialecte ou allemand standard) diminue. Alors que 95% de la population était bilingue en 1970, 95% de la population sera monolingue en 2020", se désole Denis Lieb, conseiller général du Bas-Rhin et défenseur du bilinguisme.

L'une des causes de ce déclin est un enseignement linguistique inadapté à la réalité régionale dû au recrutement national des enseignants par les concours du CAPES et de l'agrégation. Près de 20 ans après la mise en place de la filière "bilingue paritaire" qui prévoit 13 heures de cours en français et 13 en allemand, ses promoteur s'attendent toujours la naissance d'une dynamique.

Alors qu'en 2007, 7% des élèves du primaire et du secondaire suivaient un cursus bilingue -- un chiffre en progression --, trouver des professeurs doublement qualifiés capables d'enseigner leur discipline en allemand demeure difficile.

Mais le principal obstacle sont les parents, réticents pour certains, malinformés pour d'autres. "Il faut arriver à (les) convaincre que l'allemand est essentiel à un moment vital de la vie qui est la recherche d'emploi", insiste M. Higi. Tous les acteurs s'accordent à reconnaître qu'il y a dans la région un véritable enjeu économique pour les travailleurs frontaliers qui représentent encore 10% de la population active, un chiffre en déclin.

"Dans le Sundgau (région du sud de l'Alsace), les jeunes ne connaissent plus l'allemand", regrette Jean-Jacques Thuet de l'association de parents "Eltern 68" qui milite pour l'ouverture de classes bilingues.

Tirant régulièrement la sonnette d'alarme, le président de la Chambre du commerce et de l'Industrie de Mulhouse Sud Alsace Jean-Pierre Gallo appelle à "renouer avec un réel bilinguisme populaire de masse". Le débat sur les langues régionales dans la Constitution ne connaîtra son épilogue que le 21 juillet, lors de la réunion du Congrès sur la réforme des institutions.

Partager